Le 20 janvier 2021, notre ami peintre et poète Arnaud Gosselin nous parlait ainsi, avec passion, de son ressenti en écoutant L'eau rage. De ses impressions, il a écrit une véritable œuvre courte que nous vous dévoilons avec joie, et cela ne s'arrêtera sans doute pas là, qu'il en soit vivement remercié.
Mon texte est pour moi une matière, rebelle à sa façon, pour parler de votre travail comme d'un endroit où ressourcer son âme, dans le flot des mensonges actuels où nous baignons.
J'ai été happé par les chansons de L'eau rage, comme en un lieu à la fois secret et pourtant si évident. Pour moi, la force de cette création est qu'elle nous parle de ce qui est là, vraiment, et ça nous sort de pas mal d'embarras, sans pour autant prétendre régler quoi que ce soit.
Il y a du brun dans cet album de Sève
du brun mêlé de rouge
quelque chose de la caverne et de la terre
quelque chose à goût de bois d’écorce rouge
quelque chose qui est ce à quoi l’on tient
qui tient chaud et qui rassure et inquiète aussi
qu’on touche quand c’est là près de soi qui nous touche
qui n’est pas loin comme tout ce qui nous émeut
nous formons un tout depuis l’enfance
y pénétrer c’est ce qu’il y a de plus fort et de plus insolite
le monde seul est banal pas notre vie que le monde ne connaît pas
ce n’est pas si facile de dire ce qui est près de soi
dans ce monde qui se croit immensément important
on n’a jamais qu’un peu de peau, un peu d’œil, un peu de vie
pour goûter ce qui est près de soi
même si c’est un puits au fond duquel plonge notre âme
nul n’en connaît la formule ne peut le formuler
même si c’est un ciel où déchirer ses ailes aux ronces de ses pensées
je frôle ma mort de près dans le désordre de ce que je suis
et personne ne saura jamais le dire aussi bien que je le vis
il n’y a pas d’ordre autre que ce que je tente de saisir dans ce pourrissement
pour le FAIRE vivre quand c’est là, comme c’est,
vivant intraitable désordonné, où va ma voix,
comme va ma voix, dans la neige tassée noire du micro
comme va mon être dans le présent matériel peuplé de mes décombres
c’est peut-être ça chanter rappeler à soi ce qui est ici
le dire le vivre le sentir comme le seul et insaisissable miracle de chaque instant
Sève fait cela comme on plonge la pelle de métal
dans les cendres le bois calciné et les braises de la cheminée
pour cogner tout au fond sur un morceau de bois brûlant
qui n’a pas encore brûlé
et nous sommes nous aussi cette sève dénudée en cours de dévoration
la seule vraie question à saigner en nous fontaine écarlate
qu’il est bon de se rappeler
glougloutant dans son sanctuaire solitaire des solitudes
on se demande vraiment écoutant cet album ce qu’on a pu prendre pour le monde
ça n’existe pas le monde
la poésie c’est notre corps
merci Sève d’en emprunter si justement
les allées claires, les rues brèves, les passages secrets
les tours et détours où finalement naît vit et cesse le seul lieu où s’abriter
clochard de soi que l’on est
livré au ciel et aux secousses de nos intempéries.
Arnaud Gosselin, écrivain, poète, conteur, animateur d'ateliers philosophie. Tous droits réservés.
Aubusson, France (23)
agossel [@] hotmail [.] fr
06.65.56.76.77
Écrire commentaire